Le Vermont.
Peu importe ce qu'on dit, le temps passe vite. D'un point de vue à l'autre. L'événement est si vite arrivé. La vie, dans la douleur ou dans la douceur, s'éclipse plus rapidement que l'on ne l'apprécie. C'est pour cela, je pense, qu'on est malheureux. La vie nous fait profiter d'un événement, mais on nous dit de vivre une seconde à la fois. Évidemment, on est triste, mais avec du recul, on se dit qu'on a murit et qu'au fond, tes regrets sont la seule trace indélibile de la mémoire.
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Ça me saute aux yeux assez quotidiennement. J'ai seize ans, et pourtant, j'ai l'impression de n'avoir jamais assez fait, d'avoir gaspillé des moments de cette idylle q'un nomme jeunesse pour me prélasser. Et puis le recul et la nostalgie s'amènent. Ça fait cinq ans que je suis au secondaire. Comme 5 années dans le coma, à demi-conscient que ta vie se défile plus vite que tu ne l'oses même penser. Seize ans, le bel âge. Quand on en a douze, on veut avoir dix-huit, mais plus on s'en rapproche, plus on comprend qu'il est inutile d'attendre le moment où tu commences à vivre. Lorsque tu penses à tes dix-huit ans, tu penses que tu ne vis, en fait, tu te forges tellement au futur, et c'est effarant juste d'y repenser. À tout ce que je n'ai jamais perçu, et que pourtant, je ressasse aujourd'hui. Ça m'a frappé hier. On est allé à Sutton, où j'étais allé skier avec mon meilleur ami d'antan. On avait loué un condo, et on regardait la lutte, le soir, sur le high the bed. Il faisait gris. Il fait toujours gris quand je suis bien, ou c'est toujours bien quand le firmament est grisailleux. Je côtoie encore ce même "ami". Que reste t-il de nous, après la bataille farouche qu'est l'adolescence, le passage trop rapide et agonisant à l'âge adulte? Quelques bribes échangées ici et là, quand les regards se toisent, dans le cours d'anglais. Après le secondaire? Rien, j'imagine. On s'était dis qu'on allait à Regina ensemble, les 3. Maintenant, on ne se parle que rarement, quand une envie comme celle-ci nous prend, ou quand on ne réussit pas à s'éviter dans le couloir, inconsciemment. Et là, quand ça fait mal de penser qu'on a déjà été, jadis, innocents et joyeux. Maintenant, la vie a son grappin sur nous. Comme la plante carnivore, elle rabat sa machoire sur nos dos incertains et nous avale goulûment pour nous faire aboutir dans un estomac qu'on appelle aussi la société (capitaliste). Rapidement, on se rend compte que les belles années, elles viennent à terme prochainement, qu'on va forcément être plongé dans le conformisme, dans le monotone routinier de la vie d'adulte, qui engendre tant de déceptions. On va rattatiner périodiquement, et dans peu de temps, au fond, on meurt. Je suis certain qu'à 25 ans, je serai un mort-vivant. Ce qu'il me restera? L'amour, j'espère. Mon refuge le plus douillet. Dans lequel je me blotti, au plus creux de ma couverture, me recouvrant la tête, en me disant que la vie, c'est pas ça. C'était tellement sadique, le retour d'autobus de Sutton. C'était la dernière sortie d'école. Après quoi, on est tous portés à mourir, à disparaître. Comme le bus qui amène à la mort. C'est ainsi que je vécu le trajet. Plus jamais de farces idiotes, mais encore acceptables. Plus jamais d'accompagnateurs qui te réprimandent mollement, car ils t'ont cherchés 2 heures pour ne pas t'oublier là-bas (tes parents avaient signés le papier). Non, plus jamais d'efforts mitigés, pour obtenir, au fond, beaucoup plus que l'on mérite.
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Quand je pense à cela, pour me bander les yeux, pour couvrir mes pensées si révélantes, je fais ceci. Je m'imagine au Vermont, une journée grise, neigeant à peine, au chaud, à écouter des chansons comme State Street Residential ou M&M's. Ça m'apaise. Et, saviez-vous, on ne s'en souvenait même pas, de notre séjour aux abords de Sutton. Ressassements.
Rico